Hello rutilante ratatouille,
Certaines personnes se sentent mal ou coupable (ça, on aime vraiment bien 😉) parce qu’elles n’arrivent pas à se reconvertir. J’en croise régulièrement en rendez-vous. Comme s’il y avait une injonction à la reconversion.
En gros, si à 50 balais, tu ne t’es pas reconvertie, t’as raté ta vie pro ! (Tu peux mettre le curseur à 45 ans ou à 40 ans si tu veux).
Il semblerait que le choix se résume à :
☑ ton job te plait, c’est génial, tu performes et tu t’éclates.
☑ ton job ne te plaît plus, tu te reconvertis (pour performer et t’éclater ailleurs).
C’est caricatural, mais pas tant que ça. Les nombreux témoignages de reconversion réussis peuvent mettre une pression à toutes les personnes mal dans leur job qui n’arrivent pas à en sortir aujourd’hui.
Parce que la comparaison, c’est quand même notre truc, la base de notre éducation !
Si ce que je viens de dire te parle, voilà ce que je veux te partager :
1 - Les témoignages ne disent pas tout
Moi la première, j’ai dit que je ne regrettais pas mon changement de vie pro (et c’est vrai). Mais je ne m’étale pas sur les insomnies, le stress du bébé entrepreneur que je suis. Les histoires sont toujours racontées du bon côté. Et surtout, elles parlent du résultat, plus rarement du chemin parcouru et des nombreux détours ou voies sans issue (déjà parce qu’on oublie vite, et ensuite, parce que ce serait trop chiant à lire !).
C’est top parce que ça peut être inspirant pour d’autres, mais ça ne doit pas être une règle. La seule chose à en retenir, c’est que c’est possible.
Chaque histoire est différente. Chaque point de départ est différent. Aucun n’est mieux ou moins bien, du moment que c’est ok pour toi.
2 - La réponse au mal-être n’est pas forcément de tout changer.
La reconversion n’est pas la seule issue. Et c’est ok de ne pas en avoir envie. Parfois des ajustements dans les missions, dans le rythme de travail ou les relations peuvent réactiver la motivation et l’envie d’aller bosser.
Même si ton poste actuel n’est pas le résultat d’un véritable choix professionnel, il n’est pas forcément à jeter. Le hasard des opportunités fait aussi bien les choses.
Par exemple, j’ai commencé à bosser dans l’industrie sans trop de conviction et j’ai découvert un vrai intérêt pour cet univers. Même si ce n’est plus le mien maintenant, j’en garde un beau souvenir.
3 - Une reconversion prend du temps (18 mois à 3 ans) et de l'énergie.
Elle vient chahuter notre identité. Pour tenir sur la durée et aller au bout du projet, il est nécessaire de savoir mobiliser ses ressources (donc d’en avoir conscience) et de prendre soin de son niveau d’énergie (donc de savoir le faire 😉).
Or, quand on ne se sent plus bien professionnellement (peu importe la ou les causes), il y a tout un contexte qui s’est installé qui amène à douter de soi et de ses capacités.
Par exemple, s’il y a une grande discordance de valeurs, et qu’on a le sentiment d’endosser un rôle chaque matin en allant au bureau, c’est épuisant (et ça, peu importe le montant du salaire à la fin du mois).
Si une relation dysfonctionnelle vous a amené à déployer de multiples couches de protection ou dispositifs d’évitement, il est clair qu’il n’y a plus d’énergie disponible pour entamer un changement.
Dans ces situations, la “reconversion” commence par “faire de la place” pour soi et analyser le contexte, ce qui cloche quoi ! Et pas par refaire son CV ou chercher une formation (en vain souvent).
4 - Nous sommes passés assez rapidement d’une conception du travail liée à l’effort à une vision du travail comme outil de développement personnel qui donne du sens à notre vie et permet de contribuer au monde. Toussa, toussa…
Est-ce qu’il y en a une qui est mieux que l’autre ? Je ne sais pas.
Comme toujours, la vérité est différente pour chacun et réside dans un subtil équilibre entre effort et dev perso (c’est là que je me dis que j’aurai dû plus bosser la thermodynamique au lycée, y’avait tout dedans !)
Tous ces modèles de reconversions réussies alimentent un fantasme d’herbe plus verte ailleurs et une injonction à y arriver. Notre esprit de bonne cocotte, bien scolaire, enclenche tout de suite la comparaison et ajoute une pierre dans son jardin à ‘j‘suis nulle’.
Si aujourd’hui, tu te sens coincée ou engluée dans une situation qui ne te va plus, la reconversion n’est pas la seule voie. Ce n’est certainement pas le premier pas.
Commence par prendre soin de toi ou apprendre à le faire (je suis toujours en apprentissage !) et demande de l’aide s’il le faut.
Ensuite, tu jugeras du niveau de changement nécessaire.
Prends soin de toi et aime-toi.
Françoise
Merci à ceux d’entre vous avec qui j’ai échangé ces derniers jours. Notamment à Corinne, notre échange, devant une crêpe, m’a inspiré cette lettre.